
Le contrat de mariage est un acte juridique écrit ayant pour objet de déterminer le statut et le sort des biens pendant et jusqu'à la dissolution du mariage. Dans ce cadre, en quoi consiste une « déclaration de remploi » ?
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Déclaration de remploi : communauté réduite aux acquêts
Dans le régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts, on distingue 3 masses de biens :
- les biens communs (grossièrement, il s'agit des gains et salaires, et des biens acquis durant le mariage) ;
- les biens propres de l'époux ;
- les biens propres de l'épouse.
Il existe différents types de biens propres :
- les biens présents (ceux dont l'époux était déjà propriétaire au moment de son mariage) ;
- les biens futurs (les biens que l'époux acquiert au cours du mariage par donation ou succession) ;
- les biens acquis au cours du mariage mais constituant un accessoire d'un bien propre ;
- les parts indivises acquises par l'époux déjà co-indivisaire d'un bien en propre ;
- les biens subrogés à des biens propres, c'est-à-dire qui les remplacent – cette subrogation peut se faire automatiquement ou par les mécanismes de l'emploi et du remploi.
Bon à savoir : la communauté réduite aux acquêts est le régime matrimonial français légal, c'est-à-dire que c'est celui qui s'applique aux époux à défaut de contrat de mariage.
Déclaration de remploi : preuve du caractère propre d'un bien
Intérêt du remploi
Distinguons 2 notions :
- il y a emploi lorsque des fonds propres (reçus par succession, par exemple) sont utilisés pour acquérir tout ou partie d'un bien (article 1434 du Code civil) ;
- il y a remploi lorsqu'un époux acquiert tout ou partie d'un bien au moyen du prix de la vente d'un bien propre.
L'intérêt de l'emploi ou du remploi est simple : le bien acquis au cours du mariage devrait être commun puisque c'est un acquêt. Grâce à la déclaration de remploi, ce bien sera propre.
Remploi partiel
Il se peut que la somme employée ou remployée ne serve à acquérir qu'une partie d'un bien.
Dans ce cas, l'article 1436 du Code civil prévoit que :
- soit le financement propre est supérieur au financement commun et le bien est propre (mais le patrimoine propre devra récompenser la communauté au moment de la dissolution du régime matrimonial) ;
- soit le financement propre est inférieur au financement commun et le bien sera commun (mais la communauté devra récompenser le patrimoine propre au moment de la dissolution du régime matrimonial).
Bon à savoir : pour calculer la contribution respective de chaque patrimoine, on prend en compte le prix du bien et les frais (notaire, impôts…).
Exemples de remploi
Cas 1 – Madame Durand, mariée sous le régime légal en 1980, a reçu 50 000 € dans la succession de son père en 1990.
En 1990, Monsieur et Madame Durand décident d'acheter une maison valant 190 000 €, les frais s'élevant à 10 000 €. Cet achat sera financé à hauteur de 150 000 € au moyen de deniers communs (salaires économisés durant le mariage) et à hauteur de 50 000 € au moyen des fonds reçus par succession. L'acte contient une déclaration de remploi.
En 2015, Monsieur Durand décède. On liquide le régime matrimonial, le bien vaut alors 400 000 €. La maison, acquise au cours du mariage, est un bien commun. Mais Madame Durand, qui a financé le quart du bien en 1990, va se voir récompensée du quart de la valeur actuelle du bien, soit 100 000 €.
Cas 2 – Madame Dupont, mariée sous le régime légal en 1980, a reçu 150 000 € dans la succession de son père en 1990.
En 1990, Monsieur et Madame Dupont décident d'acheter une maison valant 190 000 €, les frais s'élevant à 10 000 €. Cet achat sera financé à hauteur de 50 000 € au moyen de deniers communs (salaires économisés durant le mariage) et à hauteur de 150 000 € au moyen des fonds reçus par succession. L'acte contient une déclaration de remploi.
En 2015, Monsieur Dupont décède. On liquide le régime matrimonial, le bien vaut alors 400 000 €. La maison est un bien propre à Madame Dupont. Mais la communauté, qui a financé le quart du bien en 1990, va se voir récompensée du quart de la valeur actuelle du bien, soit 100 000 €.
Comment faire une déclaration de remploi ?
Forme de la déclaration de remploi
Cette déclaration, unilatérale, doit émaner de celui qui utilise des fonds propres.
Elle doit préciser (article 1434 du Code civil) que l’acquisition a lieu au moyen de fonds propres (on précise ici l'origine des deniers) afin de faire jouer le mécanisme du remploi.
Bon à savoir : sans déclaration formelle, il n'y a pas de remploi.
À quel moment faire la déclaration de remploi ?
En principe, la déclaration de remploi est faite dans l'acte d’acquisition.
Cependant, il est possible de procéder à un remploi par anticipation : il s'agit du cas où un époux veut acheter un bien qui lui sera propre, alors qu'il ne dispose pas encore des fonds propres nécessaires. Dans ce cas, l'article 1435 du Code civil prévoit – en plus de la double déclaration faite dans l'acte – que les sommes doivent être remboursées à la communauté dans les 5 ans de la signature de l'acte. À défaut, le bien restera commun.
Lorsque les époux ont omis de faire la déclaration de remploi dans l'acte d’acquisition, il est possible de faire un remploi a posteriori, dans un acte ultérieur. Mais ce remploi n'aura alors d'effet qu'entre les époux (il ne sera pas opposable aux tiers).
Achat par un époux dans le cadre d'une procédure de divorce : attention !
Souvent, lorsque deux époux décident de divorcer, ils sont pressés de commencer une nouvelle vie, et l'un d'eux peut être tenté d'acheter un logement. Cela peut s'avérer dangereux s'il est toujours marié, et sous le régime de la communauté de biens.
Qu'une procédure de divorce existe ou n'existe pas, l'époux qui dispose de la somme nécessaire pour payer le prix et les frais, et ce à titre de propres, peut tout à fait acquérir un bien en remploi. Il doit néanmoins prendre la précaution de préciser dans l'acte notarié l'origine des fonds employés, et déclarer son intention de faire son achat en emploi ou en remploi selon les dispositions des articles 1434 et suivants du Code civil.
Bon à savoir : la somme employée provenant de fonds propres doit être supérieure à la moitié du prix et des frais, afin que le bien nouvellement acquis puisse acquérir à son tour la qualification de bien propre pour l'époux acheteur.
Toutefois, l'époux en cours d'instance de divorce qui envisage d'acquérir un bien immobilier doit demander l'anticipation des effets du divorce prévue à l'article 262-1 du Code civil qui dispose que : « Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens
- lorsqu'il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n'en dispose autrement ;
- lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation. »
Bon à savoir : il est néanmoins possible pour cet époux de demander au juge de fixer les effets du jugement du divorce à la date à laquelle lui et son conjoint ont effectivement cessé de cohabiter et de collaborer.
Autre précaution : l'époux acquéreur peut demander à son futur ex-conjoint d'intervenir à l'acte d'achat pour reconnaître expressément la sincérité des déclarations faites par l'acquéreur, et l'exactitude de la déclaration d'emploi ou de remploi (eu égard à la provenance des fonds). Le notaire peut également prévoir d'adjoindre à l'acte d'achat une convention de liquidation partielle, signée par les époux, et comportant la fixation de la date d'effet de la dissolution de leur union.
Si le divorce, au final, n'est pas prononcé, la loi considère qu'il n'y a pas eu d'acquisition en emploi ou remploi, mais que l'achat est toutefois réel. Dans ce cas, le sort du bien acquis dépend du prononcé du divorce par le juge. Ainsi, lorsque la procédure de divorce n'aboutit pas, la communauté est considérée comme ayant toujours été en vigueur, notamment pendant la durée de l'instance en divorce : cela signifie concrètement que le bien est commun.
Pour en savoir plus :
- Les conséquences d'un mariage civil sont importantes, et le choix du contrat de mariage doit être étudié attentivement par le couple. Aidez-vous de notre guide du contrat de mariage, téléchargeable gratuitement.
- Se marier est gratuit, mais conclure un contrat de mariage est payant, tout comme la dissolution de l'union. Informez-vous sur le prix d'un contrat de mariage.
- Les époux peuvent souhaiter faire un changement de contrat de mariage ou une modification, pendant la durée du mariage.